Sinner-Alcaraz, la confrontation à Wimbledon

LONDRES. Une rencontre, un sourire – rapide, très rapide – une poignée de main sous les projecteurs des caméras et des téléphones portables omniprésents. Rien de plus.
Amis à l'extérieur, rivaux à l'intérieur. Aujourd'hui, l'un remportera Wimbledon, l'autre finira une fois de plus dans la poussière des regrets : inutile de faire semblant, inutile de fraterniser. Jannik Sinner et Carlos Alcaraz, numéros 1 et 2 mondiaux, à la veille de leur deuxième finale consécutive en Grand Chelem, se sont marqués à 40 mètres l'un de l'autre à Aorangi Park . Une séance d'entraînement parallèle pour peaufiner les derniers détails : minime, apparemment négligeable. Mais ils peuvent décider d'une saison, voire d'un destin…

Pour assister au 14e match entre les deux nouveaux maîtres du circuit – l'Espagnol mène 9-4 –, certains ont dormi trois nuits sous la tente, d'autres sont prêts à débourser 20 000 livres. Des millions de spectateurs (la finale Alcaraz-Djokovic de l'année dernière avait culminé à 7,5) ont réservé des places au premier rang chez eux. En Italie, outre Sky, qui a réuni 950 000 téléspectateurs pour la demi-finale contre Djokovic , le match sera également diffusé en clair sur TV8 . Tous, riches, pauvres et moyennement aisés, sont convaincus que le jeu en vaudra la chandelle.
LE POINT
Le pécheur est électrique et calme, il peut donc soulever la coupe VINCENZO SANTOPADRE
La Volpe a gagné en Australie et Il Niño à Paris, arrachant un match homérique et cruel à Jannik , déjà entré dans la légende. Il pourrait devenir le cinquième joueur de l'ère Open à remporter le tournoi trois fois de suite, après Borg, Sampras, Federer et Djokovic ; et, à 22 ans et 69 jours, le deuxième plus jeune joueur après le Suédois à remporter un sixième Grand Chelem. Jannik pourrait offrir à l'Italie son premier titre en simple à Wimbledon et s'assurer une certaine immortalité que, soyons clairs, seule une victoire sur ces courts garantit. Il y a aussi trois millions de livres en jeu pour le vainqueur : mais ce n'est pas vraiment de cela dont il est question, n'est-ce pas ?
L'HISTOIRE
Pour lui-même et pour l'histoire de notre sport. Pécheur et le temple à conquérir, par notre correspondant Paolo Brusorio.
Les deux se connaissent, se respectent et se respectent. Surtout, ils se craignent. Car ils savent à quoi s'attendre. Jannik fait semblant d'être loin devant depuis le lendemain de la finale parisienne, mais sous son chapeau, il prépare sa revanche . Hier, pendant une heure et demie, il s'est concentré sur deux choses. La première : un service slicé venu de la droite, et un « kick », c'est-à-dire un rebond haut avec une déviation latérale, venu de la gauche. L'objectif : assommer Carlitos et l'éloigner du court. La seconde : coincer Alcaraz sur la diagonale de son revers , l'empêcher de se retourner sur son coup droit et, de là, déclencher torpilles et sorts. Carlos, qui sait cela, avant de peaufiner ses mouvements avec une série de paniers avec l'entraîneur Ferrero, a placé son frère Sergio au milieu du terrain pour qu'il soit bombardé de services et s'entraîne à son retour. Peu de concepts, pas de confusion. Le corps devra réfléchir et l'esprit devra dissoudre la douleur. Le jeu se jouera à une vitesse relative, et Martin Falconer, le jardinier en chef de Wimbledon, détournera le regard pour ne pas voir ses racines chères brutalisées. Le public du Centre Court apprécie le fair-play et l'aplomb nordique de Jannik, mais est obsédé par l'esprit et l'espièglerie du meneur de jeu espagnol. Carlitos et Jan savent qu'ils ont besoin l'un de l'autre pour être eux-mêmes au plus haut niveau d'intensité possible sur un court de tennis. Et ils sont prêts à se donner à fond pour y parvenir. Il suffit de garder les yeux ouverts pour repérer cette frontière verte où, depuis près de 150 ans, sport et vie tendent à se confondre.
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